Le groupe que je guide est arrivé aux îles. C’est déjà un petit soulagement que tout le monde soit présent et que tous puissent participer dès le premier matin. Selon la météo, on peut rester à quai pendant une, deux, trois journées. Lorsque j’ai guidé mon premier atelier à Terre-Neuve, on avait manqué trois bateaux avant de finalement pouvoir prendre la mer pour se rendre sur l’île.
Je suis assez fébrile, un peu de stress mais j’ai maintenant depuis la pandémie un certain détachement face aux aléas de la photographie nature. Je m’en faisais beaucoup avant à propos du fait que mes clients devaient absolument réaliser de magnifiques images. En nature, on ne sait jamais ce que l’on va photographier, ni dans quelles conditions. Bien que je mette toujours tout en place pour maximiser les chances de photographier de magnifiques scènes, si la nature en décide autrement, je ne peux me sentir mal.
Premier matin, tout le monde est super content et motivé d’être là. Il y a pire comme travail. Je suis avec des passionnés de photographie et de nature qui désirent découvrir et photographier l’endroit. Le vent ne souffle pratiquement plus. Tout est calme si l’on compare à la semaine précédente. Le lever du soleil est sublime. Quelques nuages dans le ciel, une magnifique lumière. Pure, aucun nuage du côté de l’est où est apparu notre étoile. Les rayons chauds éclairent les buttes et les falaises de manière sublime. Comme si un peintre avait choisi les couleurs. C’est d’une beauté. La semaine s’annonce bien si elle est à l’image de cette matinée de rêve.
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Ce matin, c’est tôt. 3h30 le réveil. La sonnerie de bateau infernale qu’est mon alarme retentit dans tout l’étage. Ça fait des années que je me dis que je dois changer ce désagréable bruit qui accompagne les premières secondes de ma journée. Je place la bouilloire sur le rond, je me prépare des rôties. Le son de l’eau en ébullition siffle dans la cuisine. L’odeur du café emplit maintenant la pièce. Direction un endroit secret que j’ai trouvé au gré d’une promenade tout à fait au hasard.
C’est bien là la beauté de certains endroits ou rencontres : le hasard. Je tombe souvent sur des scènes ou des animaux alors que ce n’est pas du tout cela que je recherche. Sur ce secteur, je ramassais des coquillages avec ma fille et ma blonde depuis plus d’une heure trente lorsqu’on s’est rendu compte d’où on était rendu.
On arrive à la noirceur et on stationne la voiture. À peine une petite lueur pointe sur l’horizon. À la lumière de nos lampes frontales, on part sur la plage pour 40 minutes de marche avant d’atteindre le dit secteur. Le son des vagues est apaisant. Je repère du krill échoué sur la plage, une cliente repère un homard vivant. Le crustacé est petit, 20cm de longueur tout au plus. Il lui manque une pince. Il a sans doute survécu à une première attaque mais il rejoindra rapidement le maillon de la chaîne alimentaire qu'il doit occuper.
On arrive sur place. La lueur à l’horizon est un peu plus présente, mais c’est encore extrêmement sombre. On ne voit pas vraiment ce que l’on est venu photographier. Bon le site est beau, mais personne ne se doute de la beauté de ce qui les attend. En fait, moi non plus. Le ciel est relativement couvert, mais plus le jour arrive, plus les nuages se colorent. Des tons de rouge vif se posent sur les nuages.
En quelques minutes, le ciel s’enflamme comme j’ai peu de fois eu la chance d’observer. C’est hallucinant. Sur 180 degrés, c’est le pot de peinture qui se renverse sur le ciel. Le temps est frais, mais le vent nous épargne ce matin-là. Les couleurs se reflètent dans l’eau agitée. J’adore voir ces vagues venir caresser les rochers. On dirait qu’elles dansent sur ceux-ci avant de repartir tranquillement.
Certes, je m’attendais à un site exceptionnel, mais combiné avec cette lumière divine, c’est le summum de la beauté. Des phoques, une vingtaine, se trémoussent à quelques dizaines de mètres de la rive. Je l’en entend crier, un espèce de « ouhhh ». On dirait une mauvaise blague que quelqu’un voudrait faire, mais il s’agit bien du son que le loup marin fait.
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