Je rejoins Philippe et on commence l’approche. Les caribous sont à environ 500m. Cela nous laisse amplement d’espace et de temps pour analyser leur comportement, établir une stratégie d’approche. On passe par une petite tourbière. Les mousses au sol sont d’une couleur orangée, le feuillage est magnifique, les mélèzes sont également aux couleurs de l’automne. C’est magique comme ambiance.
Les pieds trempés, on arrive finalement à proximité de la harde. Quelques coups de jumelles pour bien voir leur comportement. Le mâle chasse ce qui semble être de jeunes mâles. On en compte alors 14, 14 caribous dans leurs manteaux d’automne. Leur pelage tire sur le blanc mais comporte encore un peu de brun. Le grand mâle est impressionnant. Il porte un énorme bois. Une énorme section de son panache s’avance devant son visage tandis que le bois s’élargit au sommet pour former d’énormes pointes.
C’est un peu comme arriver dans une bonbonnerie étant enfant. On ne sait pas trop par quoi commencer, quoi photographier en premier. Les caribous tolèrent facilement notre présence. J’ai eu le même type de rencontre avec ce cervidé par le passé. Avec une approche lente et discrète, ils finissent par accepter qu’on soit près et on fait finalement partie du décor. C’est crucial en photographie animalière car cela permet de capturer des scènes naturelles où notre présence n’influence pas le comportement des animaux.
On est en pleine saison du rut. C’est la période qui offre le plus d'occasions de photographies fortes et comportementales chez les cervidés. Flehmen, accouplement, combats, intimidation, rituels amoureux, c’ est définitivement la meilleure période pour les photographier. À ce moment, je m’imagine déjà toutes ces scènes et je souhaite vivement pouvoir les observer. Mais je ne me fais pas trop d’attente, je sais très bien qu’on n’est ici que pour quelques jours et que je n’aurai probablement pas l’occasion de tout voir cela. Leur simple présence me satisfait.
La harde se trouve en milieu semi-boisé à l’orée de la tourbière. On réalise quelques belles photographies mais le groupe se dirige vers le plateau après quelques minutes. On les suit, bien évidemment. Une fois rendu au sommet, le mâle s’active à garder les jeunes mâles à l’écart. Il y a 2 ou 3 petits mâles, deux ans d’âge peut-être. Un autre, un peu plus gros mais encore petit (spécialement si on le compare au grand mâle), peine à marcher. Ces charges du mâle dominant forcent les jeunes à s’enfuir en courant, ce qui peut bien entendu les amener à trébucher et à se blesser. Un jour, il sera sans doute grand et fort, assez pour concurrencer celui en poste aujourd’hui. Mais pour le moment, il doit prendre du recul.
Le mâle dominant assoit sa supériorité sur les autres mâles également pour courtiser les femelles, pour leur montrer que c’est lui le patron. Ces actes éveillent leur curiosité. Une en particulier se montre plutôt réceptive et reste toujours très près du dominant. On passe plusieurs heures à photographier les cervidés. Philippe trouve un premier bois de caribou laissé au sol. Les caribous, tout comme les orignaux, perdent leurs bois à chaque année. Les femelles, contrairement aux autres cervidés du Canada, ont également des bois. Les femelles gestantes les garderont tout l’hiver. Ils leur permettront de mieux se battre pour les meilleurs coins de nourriture et pour mieux gratter la glace pour manger le lichen au sol. Leurs bois sont plus modestes que les mâles, mais il est parfois difficile de les différencier des jeunes mâles. Ceux-ci sont reconnaissables de par leur organe qui pend près des pattes arrière.
Avant de partir dîner, on fait le tour des bosquets à la recherche d’autres panaches et bois. Je trouve une vieille palette d’orignal, quelques plus petits bois de caribous, tandis que Philippe de son côté amasse les immenses bois de grands mâles. On repart vers la voiture les mains pleines de panache, un beau souvenir à rapporter de notre voyage.
