Lever à 4h45 du matin. J’ai l’impression qu’un camion m’a renversé. Je suis franchement amoché. J’ai la tête dans le cul, comme on dit. La nuit a été assez chaude. Huit degrés au compteur. Le vent souffle relativement doucement comparativement à ce qu’on a eu dans les derniers jours. On repart sur la route pour deux heures avant de se retrouver sur la terre des caribous et des orignaux. Le voyage tire à sa fin et nos réserves de nourriture commencent à se faire minces. Je prends deux barres tendres et quelques carrés de granola.
On arrive sur place. Une petite brèche sur l’horizon dévoile un ciel magnifique. Le genre de situation qui assurera certainement de magnifiques couleurs dans les nuages. Ceux-ci sont assez présents. On se dépêche à préparer le matériel et on part rejoindre les plateaux. Le ciel s’embrase. De vives couleurs qui passent du rouge au violet au orange et au jaune teintent les nuages denses. Un arc-en-ciel se dresse à l’ouest au-dessus du plateau.
Les couleurs sont magnifiques et on presse le pas pour trouver les caribous. On fouille la plaine, le plateau, la tourbière, rien. On fait tous les secteurs où ils étaient présents ces derniers jours, rien. On aperçoit une femelle orignal et un jeune mâle, tous deux assez farouches. On décide de prendre un petit sentier de caribous qui mène à un autre plateau. Les caribous utilisent souvent les mêmes chemins. À force de les piétiner, d’étroits sentiers se forment.

On remarque plusieurs crottins et traces fraîches sur notre chemin. Je trouve également trois panaches de caribous au pied de petits conifères. J’en déduis qu’une fois l’hiver arrivé, les grands mâles utilisent ces arbres pour se débarrasser de leurs bois. Les femelles gestantes tant qu’à elles les garderont jusqu’à la mise bas de leur jeune en juin. Chaque panache que j’amasse fait un certain poids, si bien que je dois m’être rajouté 4 ou 5 kilos de panaches sur mon sac à dos.
On atteint le nouveau plateau après quelques dizaines de minutes. En montant la dernière pente, j’aperçois quelques taches blanches au loin. Victoire! Enfin, nous retrouvons la harde de caribous. Le grand mâle est toujours là, mais le groupe est plus restreint, ils ne sont plus que sept ensemble. Le mâle a d’abord chassé les autres jeunes mâles (il n’en reste qu’un). J’ai aussi l’impression que les femelles qui se sont accouplées ont décidé de ne pas suivre le groupe.

Le climat est beaucoup moins tendu que lorsqu’on a laissé la harde il y a quelques jours. Visiblement, aucune femelle n’est en chaleur. Les jeunes mâles ne sont plus présents, le mâle n’a donc plus vraiment de surveillance à faire. Le groupe se déplace sur le plateau et se dirige ensuite vers quelques petites talles de végétation. On y retrouve des petits mélèzes et quelques autres arbres colorés. La scène est magnifique.
On photographiera le groupe pendant plusieurs heures. Encore des centaines de photographies. Une femelle s’est même fait copain-copain avec nous. Aucunement farouche et même curieuse, elle s’est approchée à plusieurs reprises. À un certain moment, elle était à peine à quelques centimètres de moi. Un moment unique que je n’oublierai jamais.

Le vent souffle de plus belle. On avait eu un petit répit en début de journée mais ce dernier s'était rapidement levé. Mais là, ça souffle vraiment intensément. J’estime les rafales à au moins 70 km/h. Quelques gouttes de pluie s'invitent à la partie. Je dois absolument rester dos au vent, sinon les gouttelettes me frappent le visage telle de la grêle. Mes mains sont frigorifiées. Elles me font souffrir. Je dois constamment appliquer une certaine force pour d’abord supporter le poids de l’objectif, ensuite pour compenser le vent qui pousse mon objectif, et par mes gants qui ajoutent de la résistance au mouvement. J’ai le visage rougit par le vent.

On a beaucoup de route à faire ce soir pour reprendre le bateau demain matin et on décide donc de quitter nos amis cervidés pour retourner à la voiture. On aura eu droit à toute une finale avant de repartir pour la maison. Lorsqu’on démarre le véhicule, le vent souffle encore plus fort que lorsqu’on est entré à l’intérieur. La pluie commence à tomber de manière plus intense alors qu’on retourne sur la route principale. Les roulières sont remplies d’eau et freinent le camion.
Alors qu’on arrive près de la côte, le vent doit souffler à plus de 100 km/h. L’eau ruisselle sur le pare-brise non pas vers le haut comme il le ferait normalement, mais vers la droite tellement le vent est fort. Le camion vacille sur la route alors que les bourrasques nous poussent. On passera la nuit dans une ville sur le chemin vers le traversier. La pluie tombe abondamment. L’humidité dans la cabine est forte mais par chance, la température est relativement chaude.
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