Encore une fois, le réveil est brutal. 4h tapant, la migraine me tire du sommeil. J’ai tendance à en faire lorsque je suis fatigué, que je ne prends pas assez de repos et lorsque je ne bois pas assez d’eau. Il faut dire que les dernières journées ont été assez incroyables en termes de photographie, mais également en termes d’effort physique et d’endurance. Impossible ensuite de me rendormir. Je remarque que le ciel est dégagé, du moins au zénith, alors on se lève trente minutes plus tôt pour tenter de capter les couleurs du lever du soleil et possiblement la lumière directe du soleil. Malheureusement, à notre lever, le ciel s’était couvert à nouveau.
On s’enfile un léger déjeuner et on se dirige directement à l’emplacement où on a laissé les caribous la veille. C’est encore très sombre. Philippe prend la direction de la côte, dernier endroit où on a vu les caribous, et je prends le plateau, endroit où on a trouvé les caribous hier matin. Mon ami en repère deux dans le petit pré, de jeunes mâles. J’arrive ensuite au plateau où au loin j’aperçois la silhouette des bois du grand mâle. Ce dernier court dans une direction. Je le signale à Philippe et je prends la direction du plateau. Le vent souffle assez fort ce matin, il fouette mon visage. La température est heureusement un peu plus chaude que la veille, autour de 11 degrés Celsius. Mes pieds me font atrocement souffrir. Depuis notre arrivée que je marche dans un milieu inégal. Tantôt dans de la mousse, tantôt dans des roches, tantôt au travers des racines. La plante de mes pieds ainsi que mes chevilles ont travaillé fort pour me tenir debout et la fatigue se fait sentir.
Arrivé sur place, il ne reste plus que 11 caribous sur les 16 qui étaient présents hier. Philippe arrive. Le mâle charge à quelques reprises un jeune mâle présent. On remarque rapidement qu’il ne reste que celui-ci du sexe masculin. Tous les autres mâles ont quitté l’endroit. Il ne reste que des femelles. Le mâle dominant chargera le jeune à quelques reprises avant que celui-ci ne quitte également.
On saisit bien le pourquoi de cette attitude : l’une des femelles, qui semblent dominer les autres puisqu’elle les chasse, est en chaleur. Moi qui croyais que cette journée ne pouvait pas égaler ou même surpasser la veille, je commençais à douter de mon impression dès que j’ai aperçu le mâle dominant tenter de s’accoupler avec la femelle.
Dès que je soulève l’appareil photo pour prendre ma première photographie, je me rends compte à quel point la journée sera pénible. Pour vous mettre en contexte, je photographie presque uniquement à main levée, spécialement en photographie animalière et lorsque je suis très mobile sur le terrain. Un trépied est encombrant, me limite dans mes mouvements et ajoute du poids au final. Ceci dit, je n’ai rien pour poser la caméra qui pèse près de 4.5kg. Faire quelques images, c’est tel quel. Photographier une journée entière, deux journées entières, trois journées entières, c’est du sport. Dès que je lève l’appareil, je sens immédiatement la douleur dans mes épaules et sous mes omoplates.
Après quelques photos, je sens l’acide lactique qui se répand sur mes muscles. J’utilise parfois mon sac photo pour poser l’appareil, technique que j’utiliserai à plusieurs reprises durant la matinée. Souvent aussi, j’aime bien photographier à ras le sol. Par contre sur le plateau, avec une telle prise de vue, on évacue complètement le décor pour inclure pratiquement que du ciel. Ce n’est donc pas une option, sauf pour quelques situations qui se présenteront.
Le rituel de reproduction se répètera à beaucoup de reprises. Je n’ai pas compté, mais ce doit être de l’ordre de 25 ou plus. Beaucoup de scènes d’action, où le mâle ou la femelle hume les odeurs, où ils lèchent le partenaire. Quelque tentatives d’accouplement ratées au début, ils trouvent finalement leur rythme pour plusieurs autres succès.
Au fur et à mesure que les heures passaient, dans le feu de l’action, je ne ressentais plus beaucoup ma migraine et ma fatigue. Mais après quatres heures passées en compagnie de la harde, la réalité me rattrape. Non seulement mon corps me crie souffrance, c’est maintenant la tête et l’estomac qui m’envoient des signes. Je dois prendre une pause où sinon, je vais m’écrouler. Je décide donc de reprendre la route vers la voiture pour m’y reposer et manger. Je quitte donc mes copains cervidés avec la tête pleine d’images, et les cartes mémoires remplies à bloc. Les batteries tant qu’à elles, autant celles des appareils photo que celle de mon corps, sont à plat. C’est le temps de se reposer pour mieux reprendre la deuxième portion du voyage.
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